
Pacific Crest Trail, PCT, trois lettres équivalentes à une marche entre Gibraltar et Saint-Petersbourg. Là-bas, c'est la frontière canadienne que je relierais, depuis celle du Méxique. Il me semble bien avoir connu ce nom avant d'avoir vu Wild, ce film qui l'a propulsé au rang de chemin mythique. Je me souviens en avoir discuté, un peu rêveur, m'imaginant dans l'amérique sauvage, camper seul avec la faune nyctalope comme camarades et les saluer silencieusement dans ma tête lorsqu'ils passeront près de ma tente. Les saluer ou retenir mon souffle et drésser les oreilles, je ne suis pas sûr de ma réaction le moment venu pour être franc. Cette scène, je l'ai imaginé lorsque j'étais doctorant à l'Université de Floride en 2019. Lorsque l'on est doctorant, un projet aussi coûteux et chronophage valse avec l'impensable, alors je l'ai posé soigneusement sur une étagère de ma bibliothèque cérébrale estampillée "un jour, peut-être".
Aujourd'hui, je ne suis plus doctorant et un projet de la section "un jour, peut-être" a déjà été déplacé dans la section "accompli". Un voyage de huit mois en pseudo-baroudeur à travers plusieurs pays. C'est en revenant de ce voyage que m'a été proposé l'idée de littéralement traverser à pieds le pays que j'ai quitté précocément il y a quatre ans et dans lequel, ironiquement, ce projet a peut-être germé. Mes jambes étaient prêtes, encore chauffées du camphre issu de ces mois de vagabondage, mon esprit lui, n'était pas encore tout à fait amarré à l'anneau sur le quai de la stabilité et mon coeur a ressenti la joie et la liberté d'être un pérégrin, alors il ne fallut pas insister longuement pour que je prenne la décision de repartir.
En Mars 2023, je posais de nouveau le pied sur le sol français, je pense avoir conclu le pacte avec moi-même de "faire le PCT" au mois de Juin et j'ai commencé à m'entraîner et travailler en conséquence au mois de Septembre de la même année. La procédure pour parcourir ce sentier peut paraître rebutante, surtout pour un étranger, alors la motivation doit être sans faille. Je renforce la mienne à grand coup de lectures galvanisantes. Les premières expéditions de Paul-Emile Victor, le récit de la traversée de l'antarctique par Mathieu Tordeur, les péripéties de Sylvain Tesson et son attrait pour les aphorismes sur la mouvance du corps, et quelques pensées de Marc Aurèle, entre autre. Alors une fois le permis de marcher sur le sentier obtenu, le visa collé sur la page 15 de mon passeport, le matériel révisé et mis à jour, le corps fortifié et l'esprit engaillardi, il ne reste plus qu'à se mettre en branle.
Je marcherai jusqu'à ce que mon impécuniosité devienne le facteur limitant, comme le joueur façe à sa machine à sous, ma pile de pièce sera posée sur le bord plat non loin du levier et je jouerai jusqu'à ce que cette pile ne soit plus. Parmis toutes les raisons d'abandonner cette aventure, ce sera la plus aisée à accepter. J'écris ce modeste paragraphe quelques semaines avant le départ et je ne peux empêcher, hélas, ma vulnérabilité et mes doutes de parfois prendre fugacement le contrôle. Mais je sais que ma volonté, ma détermination et mon envie irrépréssible de fouler la Terre pèseront plus lourd dans la balance mentale lorsque le corps sera en peine et qu'il me demandera d'arrêter. Si je dois retenir une chose précieuse de mes lectures, c'est que tout le monde est en proie au doute, toute disciplines confondues, du plus érudit des savants au plus audacieux des aventuriers. Alors qui suis-je, pour partir sans crainte ?
À suivre...
Note : Comme je ne peux encore illustrer ce périple, le dessin choisi pour cette article à été créé par un certain SShatto et peut être acheté via ce lien https://www.redbubble.com/fr/people/sshatto/shop et la photo en début de page est une photo prise dans le Jura Suisse en 2020.